La bataille de la pulpe aura-t-elle lieu ?
Le Betteravier Français 2 novembre 2021
Éleveurs acheteurs de pulpe surpressée, usines de déshydratation et méthaniseurs se disputent un produit devenu rare. Si la France bénéficiait historiquement d’une des plus faibles valorisations de sa pulpe en Europe, la filière est à l’heure des choix pour maximiser ce coproduit betteravier riche en cellulose. Faut-il développer la méthanisation dans les fermes ? Au sein des sucreries ? Ou bien sauvegarder des volumes pour faire tourner les unités de déshydratation ? Pour éclairer les décideurs, l’Association de recherche technique betteravière (ARTB) a réalisé une étude portant sur les forces et faiblesses des différents débouchés de la pulpe. En voici une synthèse.
Les pulpes en élevage
L’intérêt relatif de la pulpe surpressée par rapport à celui de la pulpe déshydratée varie de manière conjoncturelle, tout en restant relativement proche : sur la dernière décennie, ces débouchés assurent au planteur une compensation moyenne autour de 2 €/t de betterave à 16°S, et au-delà de 3 €/t lors des récentes flambées des cours des céréales.
La part des pulpes déshydratées est passée de plus de 70 % avant 2010 à 55 % en 2019. Cette évolution est due à la forte baisse de production de betterave ces 3 dernières années et au développement des méthaniseurs sur les exploitations agricoles depuis 10 ans. Une tendance qui n’est pas sans conséquence sur les unités de déshydratation et notamment sur les équilibres avec la filière luzerne dans la Marne en particulier.
Les pulpes méthanisées sur l’exploitation
On estime que 15 % des pulpes surpressées (soit 7 % des pulpes totales) étaient méthanisées en exploitation en 2019. On recense près de 200 méthaniseurs dans un rayon de 80 km autour des sucreries, et autant verront le jour d’ici deux ans dans le même périmètre : on peut donc estimer que la part de pulpes surpressées utilisées dans ce débouché doublera d’ici deux ans, avant de stagner. En effet, le niveau de valorisation des pulpes en méthaniseur est dépendant du tarif d’achat du gaz produit (en fonction de la date de construction) autour de 3,0 €/t de betterave à 16°S entre 2016 et 2021. Mais
2/5 cette valorisation diminue fortement depuis le 1er janvier 2021, et tombera sous les 2 €/t de betterave à 16°S pour les méthaniseurs qui verront le jour à partir de 2022. Dans cette équation on ne doit pas oublier les digestats tout particulièrement au regard de la situation de tension forte que l’on connaît actuellement sur les engrais azotés : en moyenne ils représentent un retour financier pour l’exploitant équivalent à 1 – 1, 5 € /t de betteraves. In fine en 2023, le volume des betteraves méthanisées à la ferme devrait représenter 15 % des pulpes totales en France.
Les pulpes méthanisées en sucrerie
La transformation des pulpes en biogaz directement par la sucrerie n’existe pas aujourd’hui en France, mais certains projets pourraient voir le jour d’ici deux ans. Les économies énergétiques seules ne suffisent pas à rendre ce débouché financièrement intéressant : actuellement la valorisation pulpe ne dépasse pas 1€/t de betterave à 16°S. Néanmoins, si les prévisions de France Stratégie quant à un doublement de la valeur de la tonne de CO2 d’ici 2 ans se vérifient avec un statut quo sur les droits d’émissions de l’industrie sucrière, cette filière pourrait permettre d’atteindre une valorisation des pulpes de 3 €/t de betteraves.
Une décision économique
Malgré la fin des quotas, la réglementation européenne relative aux pulpes n’a pas changé : un planteur reste réglementairement propriétaire de ses pulpes, il peut en disposer ou choisir d’en confier la valorisation à son industriel. Dans ce dernier cas, il bénéficiera d’une « compensation qui tienne compte des possibilités de valorisation des pulpes en cause » (Point VIII, Annexe X du règlement 1308/2013). Si depuis 2017, les évolutions contractuelles ont pu conduire certains industriels à imposer le rachat des pulpes, il n’en demeure pas moins, selon la CGB, qu’une stratégie de filière doit être établie au niveau de chaque territoire pour trouver le moyen d’optimiser la valeur des pulpes en trouvant un bon équilibre entre l’élevage, l’utilisation en méthanisation à la ferme ou en sucrerie et la déshydratation. « Si certains de nos voisins arrivent à valoriser à plus de 4 €/t de betterave à 16°, est-ce que cela ne peut pas constituer un objectif collectif à atteindre pour la filière française ? » s’interroge la CGB.